La Loire, terre d’accueil d’exils forcés

Après la signature des accords d’Evian, des violences plongent dans le désarroi 2 acteurs de la guerre d’Algérie : les pieds-noirs et les harkis.

L’appellation « pieds-noirs » apparaît en 1955 au Maroc. Son origine est floue. Ce surnom désignait au départ les indigènes qui allaient pieds nus et avaient les pieds sales. Il est passé en métropole pour cataloguer les rapatriés d’Algérie comme des Français de seconde zone. Il est le raccourci linguistique d’une série de stéréotypes qu’ont les Français de métropole sur les Français d’Algérie : ces derniers seraient des esclavagistes, racistes envers les musulmans, très riches, et sympathisants de la droite voire militants de l’OAS. Au printemps 1962, se sentant menacés, 690 000 pieds-noirs fuient l’Algérie. En août, 4000 pieds-noirs sont établis dans la Loire.

Le terme générique « harkis » désigne, lui, les musulmans recrutés comme supplétifs par l’armée française sous des statuts divers. Victimes des représailles du FLN, rares sont ceux qui obtiennent leur transfert en métropole par les autorités françaises. Beaucoup embarquent clandestinement sur des bateaux de ligne. Entre 1962 et 1965, La Loire accueille 455 harkis.

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Des Pieds noirs déracinés

Lors de la signature des accords d’Evian, tout a été normalement prévu pour protéger les Français d’Algérie. L’article 2 engage les deux parties à interdire tout recours à la violence collective et individuelle. Les Français d’Algérie doivent bénéficier pendant 3 ans des droits civiques algériens. Ils pourront ensuite opter pour la seule citoyenneté algérienne ou résider en Algérie comme étrangers. S’ils désirent quitter l’Algérie, ils pourront emporter leurs biens et bénéficieront de mesures d’aide aux rapatriés. Toutefois, lors du referendum du 8 avril 1962, les Français d’Algérie ne sont pas consultés.

De plus, ces dispositions protectrices ne sont pas respectées. Dès le 19 mars 1962, dans toute l’Algérie, le FLN se livre à des assassinats. Les violences s’accentuent jusqu’en juin, poussant les Français d’Algérie à l’exode.

Mais les autorités françaises n’en prennent pas la mesure, pensant que les « pieds-noirs » arrivent pour des vacances estivales et rentreront ensuite en Algérie. La population française ne se montre pas toujours très accueillante. A Marseille, où ils débarquent, ils sont salués par des banderoles « Pieds-noirs, retournez chez vous » ou « Les pieds-noirs à la mer ». Des dockers cégétistes vont jusqu’à jeter à l’eau leurs bagages. On comprend l’amertume de ces populations déracinées, qui ont tout perdu…

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L’épineuse question des harkis

Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, le gouvernement français et le GPRA négocient la dissolution des harkas et le retour à la vie civile de leurs membres. Une prime de « démobilisation » est censée favoriser un maintien sur place des ex-harkis. Devant l’ampleur prise par le rapatriement des pieds-noirs, il n’est pas question d’envisager un départ vers la métropole des musulmans qui le souhaiteraient.

Mais au fil du désarmement des harkas, des membres du FLN donnent des avertissements et font payer des impôts aux ex-harkis. Fin avril, les tabassages se multiplient. Puis commencent les exécutions, précédées de sévices et de tortures.

Dès avril 1962, l’armée française est au courant de ces exactions. Elle organise, pour les plus menacés des harkis, des camps de regroupement et leur transfert en métropole. Le rapatriement se fait seulement à partir de la mi-juin, au compte-goutte et dans la plus grande discrétion, de nuit. D’autres Français musulmans parviennent à embarquer sur des bateaux de ligne rapatriant les Européens, parfois avec l’aide d’officiers.

Débarqués à Marseille, les harkis sont emmenés par camions vers des camps militaires rouverts à la hâte. Immédiatement se pose la question de leur reclassement.

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