Les Ligériens et la colonisation de l'Algérie

En 1830, les troupes françaises débarquent à Alger. A l’époque, il n’existe pas de projet colonial. L’Algérie est une province ottomane et Alger est déjà un carrefour commercial très fréquenté. Mais les Français ont une connaissance limitée de l’arrière-pays. Une grande partie de la conquête de l’Algérie a lieu sous la Monarchie de Juillet. Malgré tout, dans les années 1840l’idée d’une colonie de peuplement  prend forme. Cas unique dans l’histoire coloniale française, la conquête et la colonisation ont progressé conjointement en AlgérieDès 1848, 3 départements algériens sont tracés. Ils s’arrêtent tous trois aux limites du Tell. Au milieu du XIXe siècle, 110 000 Européens sont installés en Algérie, dont 47 000 Français ; et parmi eux, 12 familles ligériennes et une cinquantaine d’individus isolés. 

Sous le Second Empire et la IIIe République, le territoire de la colonie s’agrandit à la Kabylie et au territoire saharien. La colonisation trouve un nouvel essor avec la confiscation de 450 000 ha de terres après la révolte des Kabyles en 1871. S’ouvre alors une décennie d’émigration métropolitaine vers l’Algérie. De nombreux Ligériens font une demande de concession de terre. Des sociétés ligériennes obtiennent également des concessions de mines.  

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La mise en place précoce d’une colonie de peuplement en parallèle avec la conquête

Dès la prise d’Alger en 1830, les Français font main basse sur les terres arabes. Durant la 1e décennie de la présence française en Algérie, cette mainmise s’opère de manière anarchique et dans un cadre limité, celui du Sahel d’Alger et de la plaine de la Mitidja. Des hommes d’affaires métropolitains, des fonctionnaires et des officiers font un trafic de terres abandonnées par les Arabes au moment de la conquête ou confisquées par la France. Parallèlement, le général Clauzel, commandant les troupes françaises en Algérie de 1835 à 1837, encourage une émigration d’ouvriers, venus de Paris mais aussi d’Allemagne, d’Espagne et d’Italie.


Mais dans les années 1840, sous l’impulsion du général Bugeaud nommé gouverneur général de l’Algérie, et avec l’aide du comte Guyot, s’organise une colonisation civile et officielle contrôlée par l’Etat. Une série d’ordonnances royales permet d’accaparer les biens religieux (habous), les terres beylicales, celles des Arabes en fuite ou en exil, celles des tribus qui prennent les armes contre la France. La colonisation accomplit ainsi de grands progrès, notamment dans la Mitidja.

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L’âge d’or de l’émigration vers l’Algérie sous la IIIe République

Au lendemain de la révolte de Kabylie en 1871, l’administration française procède à la confiscation punitive de 450 000 hectares. Dans les décennies 1870-1880, les départs pour l’Algérie se multiplient, de la part d’Alsaciens-Lorrains qui refusent l’annexion par l’Allemagne, mais aussi de la part d’Espagnols, d’Italiens, de Maltais.

A la fin du XIXe siècle, une colonisation libre prend le relais de la colonisation officielle après l’adoption de la loi Warnier ou loi des colons (1873). Cette loi permet de supprimer la propriété collective et de disloquer l’indivision des parcelles appartenant à des indigènes ; elle entraîne une véritable spoliation légale. Après la parenthèse de la 1e Guerre mondiale, la colonisation de l’Algérie se poursuit. Au total, entre 1871 et 1919, 870 000 hectares sont livrés aux colons, tous situés dans le Tell.

La présence de colons de plus en plus nombreux en Algérie impose aux autorités françaises de donner un statut administratif à cet « appendice » de la France métropolitaine. Dès 1848, dans une logique d’assimilation, la IIe République adopte un maillage territorial calqué sur celui de la métropole. Elle crée 3 départements autour des poches de peuplement européen et des villes d’Oran, Alger et Constantine. Ceux-ci sont agrandis progressivement. Ils sont composés de communes de deux types en fonction de la densité du peuplement européen : des communes de plein exercice semblable aux communes métropolitaines, et des communes mixtes avec des administrateurs nommés par le gouvernement.

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L’exploitation des ressources naturelles de l’Algérie

En Algérie comme dans tout l’empire colonial français, la prospection minérale a été conduite systématiquement dès le milieu du XIXe siècle pour pallier à la pauvreté de la France métropolitaine dans ce domaine. Le territoire algérien recèle des métaux (fer, cuivre, plomb, zinc…), des combustibles (lignite, anthracite), des phosphates.

Au début du XXe siècle, l’industrie minière est en plein essor en Algérie : la production et les exportations ne cessent d’augmenter. Pour le minerai de fer, les exportations triplent entre 1895 et 1909 ; elles se font principalement à destination de l’Angleterre et de l’Allemagne. Pour le zinc, elles quintuplent sur la même période.

Tous minerais confondus, le département de Constantine est au 1er rang pour le nombre de mines exploitées et pour l’importance des rendements. En 1910, il abrite 63 concessions de mines, dont 39 en exploitation, et les recherches se poursuivent pour trouver de nouveaux gisements.

La mise en valeur et l’exploitation des ressources minières nécessite des investissements importants de la part de l’Etat français, qui construit les grandes infrastructures de transport, et de la part des entreprises privées. En Algérie, 3 500 km de voies ferrées sont construites avant 1914. Elles sont du même écartement qu’en France et orientées ouest-est de façon à relier les principaux points de peuplement en général proches du littoral. Mais des tronçons nord-sud à voie étroite se greffent sur ces lignes pour aller chercher les produits minéraux et les acheminer vers les ports. Alger est le principal port colonial de la France, avec un trafic proche de celui du port de Marseille.

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La colonisation à l’œuvre dans les villes comme Alger

La France édifie dans ses possessions coloniales des villes modernes reproduisant en partie le décor métropolitain, mais adaptant aussi l’architecture aux contraintes climatiques et aux matériaux de construction présents sur place. Elle construit aussi dans les villes de grands équipements de civilisation : des hôpitaux, des centres de recherche, des établissements d’enseignement. Alger ne fait pas exception. Les Français modifient profondément l’organisation de la ville à partir de 1830. Ils ne préservent qu’une partie  de la ville arabe traditionnelle, la Casbah dont les Ottomans ont fait « Alger la blanche ».

La Casbah, construite à flanc de colline sous la citadelle et enserrée dans ses murailles, comportait des rues étroites, coupées de marches d’escaliers ou surmontées de voûtes. Les souks se trouvaient au pied de la colline, tout près du port. Les habitations obéissaient à un plan simple : un vestibule avec des banquettes de pierre pour faire attendre les visiteurs ; une cour intérieure cachée des regards de la rue, entourée d’une colonnade à arcs outrepassés, avec au centre un bassin et un jet d’eau ; des pièces d’habitation à l’étage.

Les Français détruisent les souks et construisent au cœur de la Casbah un quartier colonial. Ils tracent des rues droites et carrossables bordées d’arcades. De nombreuses maisons traditionnelles s’effondrent au cours des travaux. Les dernières qui subsistent sont désormais entourées de maisons à l’européenne, plus hautes, dont les fenêtres plongent dans les cours intérieures.

Toutefois, au début du XXe siècle, des intellectuels français comme Théophile Gautier prennent la défense de la ville arabe. Ainsi, dans l’architecture européenne apparaît un style pastiche arabisant, auquel on doit certaines constructions à Alger, dont la Grande Poste.

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L’Algérie, destination touristique

Les villes algériennes ne sont pas seulement des vitrines de la domination française. Elles deviennent aussi des destinations touristiques pour les Français de métropole et pour les étrangers dès les années 1870.

La révolution industrielle et les nouveaux moyens de transport plus rapides et efficaces ouvrent la possibilité de voyages lointains à la bourgeoisie et à la classe moyenne européenne. Dès 1879, la Compagnie Générale Transatlantique relie la métropole et l’Algérie. Ses bateaux, au confort sommaire dans les années 1880, deviennent de plus en plus luxueux et le trajet ne prend plus qu’une journée à l’aube du XXe siècle. La Transat invente dès 1882 le billet circulaire qui permet au touriste de programmer son voyage à l’avance, d’organiser un circuit et de réserver ses hôtels. Elle investit aussi dans des hôtels.

Ainsi apparaît d’abord un tourisme d’hivernage. Des Anglais viennent passer la saison froide sur les hauteurs d’Alger. Ils élisent domicile dans des villas luxueusement restaurées ou construites à la manière mauresque, ou séjournent dans des hôtels confortables. En 1897 est créé un Comité d’hivernage pour accueillir les touristes. Il devient par la suite syndicat d’initiative. Alger constitue aussi une escale pour les navires de croisière des compagnies britanniques et allemandes. Enfin, un tourisme d’été se développe ensuite, concernant plutôt les Européens d’Algérie. Ce développement touristique est soutenu par les autorités, notamment par les gouverneurs d’Algérie, qui voient là un moyen de développer l’économie algérienne et de glorifier l’œuvre coloniale.

Les récits des touristes à leur retour en métropole nourrissent tout un imaginaire métropolitain autour d’Alger et de l’Algérie, et contribuent à l’engouement des Français pour l’empire colonial.

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